Nancy - 4ème partie et fin
Vingt et une heure, Nancy et Olivier arrivent au numéro 33. Ils font dérouler les noms sur l'interphone de l'immeuble.
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V. Gommin, voilà, donc il ne t'a pas menti, annonce Olivier à Nancy
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Cela me rassure, oui
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Allez rentrons, on en sera plus demain, tu cacheras le petit enregistreur dans ton sac
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Mais je peux enregistrer de mon téléphone !
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Non, car si jamais pour une raison ou une autre tu reçois un appel même sans décrocher, M. Gommin pourrait remarquer que tu enregistres votre conversation. Mon mini enregistreur discret, passera inaperçu, il a une grande autonomie et filtre les interférences.
Le lendemain Nancy rentre chez elle et se prépare pour son rendez-vous avec M. Gommin, au café des sports. Elle arrive dix minutes plus tôt, elle salut la serveuse et s'installe à une table éloignée du bar pour éviter les bruits lorsque les clients rentreront. Elle enclenche le mini enregistreur et referme son sac à main.
14h10
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Bonjour Melle Denon
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Bonjour M. Gommin
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Je peux vous offrir une boisson ?
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Volontiers, merci
La serveuse prend la commande :
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Je prendrais un jus de pomme
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Pour moi ça sera une ginger beer
Nancy aperçoit Olivier, accompagné d'un ami, à quelques tables plus loin.
M. Gommin avec une voix bien timbrée, enchaîne directement sur la raison de ce rendez-vous
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Je me suis permis de vous interpeller hier pour vous demander pourquoi vous avez pris une photo de moi, l'autre jour au bois de Vincennes.
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Non, vous devez faire erreur, annonce Nancy d'une voix imperceptible. En effet oui, j'ai pris une photo mais c'était pour mon magazine. En ce moment nous travaillons sur un sujet concernant les sorbiers, en voie de disparition
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Ah, et pourquoi étiez vous cachée derrière le tronc ?
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Pourquoi vous me dites cela, vous étiez dans les parages ce jour là ?
Un silence soudain s'installe, M. Gommin l’interrompt, 4 ou 5 secondes plus tard, en reprenant d'un calme impressionnant :
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Oui, justement je passais par là et je vous ai vu rejoindre votre ami, il avait l'air surpris aussi de vous voir à cet endroit, accroupie apparemment. J'aurai pensé que vous m'espionniez, peut-être aviez-vous retrouvé un couteau... par exemple ?
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Non je n'ai rien trouvé, pourquoi un couteau ?
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Ce couteau m'appartient et j'y tiens énormément. Mon oncle me l'a offert, il est bijoutier-joaillier. Ce couteau est un Perceval, mon oncle a gravé mon prénom et nom, serti de rubis, au dessus du manche. Il est unique en son genre et si je ne le retrouve pas, j'en serai profondément anéanti.
Surprise et émue à la fois, cette larme sincère qui coule, le long du beau visage de M. Gommin, donne envie à Nancy de prendre M. Gommin dans ses bras pour le réconforter.
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Je comprends, ce couteau doit être magnifique
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Oui, il a une valeur inestimable et surtout une valeur sentimentale. Ce jour là, j'étais moi-même derrière cet arbre, que vous dites en voie de disparition, en train de chercher ce couteau
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Si quelqu'un l'a trouvé, et s'il découvre sa valeur, il est certain que vous ne le retrouverez pas. J'en suis sincèrement désolée pour vous. Mais, pourquoi pensez-vous l'avoir perdu juste à cet endroit ?
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Oh c'est une histoire invraisemblable, inimaginable. Je m'en souviens très bien. Je me suis arrêté à cet arbre, ses sorbes étaient si rouges, si flamboyantes, je n'ai pu m'empêcher de prendre une grappe dans ma main. Je voulais les emporter pour justement les goûter une fois cuites. En effet, elles sont plus appréciées une fois cuites, comme vous devez le savoir sûrement !
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Oui, le fruit du sorbier, lorsqu'il est cru, il présente un goût très acerbe et laisse sur la langue une sensation jugée peu agréable du fait de son astringence assez prononcée. Les sorbes ne présentent aucun intérêt gustatif dès leur cueillette car crues elles sont trop acides
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Exactement, votre connaissance sur ce fruit m'impressionne. Donc, j'avais dans les mains quelques sorbes, quand, tout à coup, un oiseau gros comme ma main, a foncé sur moi. J'ai paniqué, j'ai voulu prendre mon couteau, par mégarde, je l'ai attrapé par la lame et la pointe de la lame m'a déchiqueté une partie de ma main. Je saignais énormément et surtout j'avais très mal. Je n'avais rien pour arrêter l'hémorragie. J'ai filé droit à la pharmacie qui m'a soigné dans un premier temps. La pharmacienne m'a conseillé d'aller à l'hôpital car j'avais sûrement touché un muscle intrinsèque, très important pour la flexion des doigts et du poignet. Heureusement, ce n'était pas aussi grave. De là, M. Gommin montre la plaie récente à l'intérieur de sa main à Nancy.
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Quelle histoire, et je suis navrée pour vous, et votre plaie est encore bien rouge. Vous pourriez peut être allez voir au commissariat pour savoir si on n'aurait pas trouvé ce couteau
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J'y ai pensé, mais j'ai préféré me rapprocher de vous en premier pour savoir si vous ne l'auriez pas, par hasard, trouvé
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Mais comment connaissez-vous mon nom ?
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L'autre jour, en sortant de chez vous, une voisine vous a appelé par votre prénom, juste au moment où je sortais de l'immeuble et là, je ne sais pas pourquoi, mais votre visage me rappelait quelqu'un. J'y ai longuement réfléchi et je repensais au bois de Vincennes.
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Pour mon prénom d'accord, mais... mon nom ?
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Plus tard, quand la voisine vous a appelé par votre prénom, je suis allé jusqu'à votre immeuble, et j'ai fait défilé les noms sur l'interphone. Sur les six noms un seul apparaissait avec un N devant le nom. J'en ai déduit que c'était Nancy Denon.
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Mais vous auriez pu vous trompez
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Non, l'homme qui vous a interpellé au bois de Vincennes, il a dit votre nom, n'importe qui aurait pu l'entendre. Et là, je ne pouvais pas me tromper. C'était une coïncidence extraordinaire.
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Vous m'impressionnez M. Gommin.
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A qui le dites-vous, cette histoire est complètement surréaliste, vous ne croyez pas
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J'avoue, moi-même j'en perds mon latin. D'une voix fluette, elle rajoute :
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Peut-être, pourrais-je connaître votre prénom, puisque vous connaissez le mien ?
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Valentin, enchanté Nancy, puis-je vous appeler par votre prénom ?
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Après de telles péripéties, cela me semble indispensable
Tous les deux éclatèrent de rire. Les regards de certains clients se tournèrent vers eux, le sourire aux lèvres. Olivier se tourne à son tour, pour savoir d'où venait ce fou rire. Valentin venait de prendre les mains de Nancy dans les siennes, leurs regards en disaient longs.
Le hasard, la destinée... Nancy en connaît un bout depuis la rencontre de sa nouvelle amie, Sandra, il y a plus de six mois. Et voilà, qu'un couteau ensanglanté, qui a porté Nancy dans tous ces états, n'était en fait qu'un subterfuge. Le hasard s'est bien joué d'elle, pense Nancy, le sourire aux lèvres et surtout heureuse qu'une telle histoire finisse par une si belle fin et sûrement une belle histoire d'amour à venir. Qui l'aurait cru...
Ne dit-on pas que l'amour arrive toujours quand on s'y attend le moins.
Ah et le couteau me direz-vous !?
Nancy après avoir vérifié l'histoire de M. Gommin, qui en effet, le couteau une fois libéré du sang, laissait apparaître une belle inscription, gravée et sertie de rubis, au nom de Valentin Gommin.
Deux jours après, Nancy, invite Valentin pour un repas entre amis. Le dîner est très animé, Nancy raconte à Valentin comment ce couteau est rentré en sa possession. Ses amis racontent à leur tour comment ils on vécu cette histoire, presque comme un thriller. Nancy, sans le vouloir, les avait embarqué dans une sorte de tourbillon. Deux états les animent, d'un côté la joie qui se lisait sur le visage de Valentin d'avoir retrouvé son couteau et celui d'un fou rire naissant sur tous les convives.
Valentin ne savait pas comment remercier Nancy et ses amis, l'émotion est trop forte. Il ne lui en veut pas de lui avoir menti, il aurait sûrement réagi comme elle. Il prend Nancy dans ses bras et l'embrasse éperdument.
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Je pense que l'on a pas fini de reparler de l'histoire du couteau ensanglanté, fini par dire Olivier, en jetant un regard amusé vers Nancy et Valentin...
FIN